Evangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme il en fut aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il lors de la venue du Fils de l’homme. En ces jours-là, avant le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’à ce que survienne le déluge qui les a tous engloutis : telle sera aussi la venue du Fils de l’homme.
Alors deux hommes seront aux champs : l’un sera pris, l’autre laissé.
Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre laissée.
Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient.
Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait,
il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Tenez-vous donc prêts, vous aussi :
c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »
Le contexte
L’Évangile de Matthieu est structuré par cinq séquences faites d’un discours et d’une narration sur l’activité de Jésus. Nous en sommes ici au dernier discours appelé discours apocalyptique.
Ensuite, commencera le récit de la Passion. Il s’agit pour Jésus de dévoiler dans un genre littéraire très courant à son époque la finalité du monde et celle de notre existence.
Les jours de Noé
Cette référence à l’histoire du déluge est double. Nous pouvons la comprendre dans le sens d’une dévastation qui arrive par surprise et qui détruit tout sur son passage. Mais nous pouvons aussi l’entendre comme la mémoire d’un juste qui a construit une arche, qui a accueilli tous les animaux de la création et
qui a survécu à l’heure de la tempête. Il suffit d’un Noé, un seul pour que le monde survive.
Pris par surprise…
Ils ne se doutèrent de rien, rien de particulier ne signalait l’imminence de la fin. Le fait de manger, boire, se marier, marier ses enfants n’est pas condamné. Ces actions sont décrites pour souligner le caractère ordinaire des occupations de la « génération de Noé ».
Autrement dit, il faut nous montrer vigilants et ne pas nous laisser abuser par les discours sur la fin du monde.
Se convertir est urgent. Vraiment !
Ces versets n’ont pas pour but de nous effrayer mais de nous avertir de l’urgence de la conversion. À tout moment, je dois me poser la question de la chanson de Pascal Obispo « Si l’on devait mourir demain, on ferait quoi ? » Que faire si je savais que ce jour est le dernier de ma vie ? Comme le dit la lettre aux Romains, rejetons les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière. Et cela ne peut attendre parce que demain ne m’appartient pas.
Veillez, vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient.
Vigilance, ici, ne veut pas dire méfiance ni inquiétude peureuse : ce serait contraire à la Promesse de Dieu, qui veut notre bonheur et celui de toutes les nations de la terre. Vigilance ne signifie pas non plus attentisme ou défaitisme frileux. Vigilance, ici, veut plutôt dire confiance et conversion. Car le premier à veiller, c’est Dieu. Non pas seulement parce qu’il veille sur nous et sur tous les cheveux de notre tête, mais aussi parce qu’il est à l’affût de la moindre brèche dans les armures de notre orgueil, pour faire couler en nous, par les fissures de nos faiblesses et plus encore celles de nos désirs, l’eau vivifiante de sa miséricorde et de sa grâce.
Et oui, ce divin veilleur patiemment, obstinément ne peut remplir en nous que si nous acceptons de lui présenter nos failles. Réveillons-nous !
Résister à cause de l’Évangile
La vigilance ecclésiale n’est pas celle de la peur face à une forteresse assiégée. Bien au contraire, c’est une vigilance qui invite à relever la tête et, au besoin, à entrer en résistance, à cause de l’Évangile, contre tout ce qui, dans le monde, fait du mal à l’humanité et nuit à la Création. C’est résister à cause de l’Évangile, que de donner de son temps et de son énergie au service des plus pauvres, quand tout est fait pour les exclure et les enfoncer davantage dans la misère. C’est résister à cause de l’Évangile, que de s’engager dans un dialogue vrai avec ceux qui croient ou qui pensent autrement que nous quand tout est fait pour nous diviser, nous stigmatiser et nous marginaliser. Telle est la vigilance de l’Avent : laisser Dieu nous désarmer, rester en tenue de service pour préparer la venue du Prince de la Paix, ne pas craindre de résister, à cause de l’Évangile, à tout ce qui plonge le monde dans les ténèbres.