Evangile de Jésus-Christ selon Saint Marc
En ce temps-là, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent :
« Maître, ce que nous allons te demander, nous voudrions que tu le fasses pour nous. »
Il leur dit : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? »
Ils lui répondirent : « Donne-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche dans ta gloire. »
Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez.
Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? »
Ils lui dirent : « Nous le pouvons. »
Jésus leur dit : « La coupe que je vais boire, vous la boirez ; et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé. En entendant cela, les dix autres s’indignent contre Jacques et Jean.
Alors Jésus les appelle et leur dit : “Vous savez que chez les païens, ceux qui font figure de chefs se conduisent en dictateurs, et leurs grands personnages abusent de leur autorité. Cela ne devra pas être chez vous. Si l’un d’entre vous veut être grand, qu’il se fasse votre serviteur. Et si l’un d’entre vous veut être le premier, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.
Le contexte
Ce passage fait suite à la troisième annonce de la mort et de la résurrection de Jésus. Nous pouvons être étonnés de la réaction de Jacques et Jean qui demandent des places d’honneur au Ciel. Comment le comprendre ?
Pierre, Jacques et Jean
Leur réaction est à comparer à celle de Pierre. Ce dernier ne pouvait pas accepter que Jésus puisse mourir sur la croix. Or, Jacques et Jean ont vu ce qu’était la gloire du Messie lors de l’épisode de la Transfiguration : Autant Pierre ne voyait que la croix et a occulté la gloire, autant Jacques et Jean ne veulent voir que la gloire. Qu’en penser ? La Gloire ou la Croix ? Comme souvent, il ne faut pas opposer ces deux réalités de la foi mais les considérer ensemble. Si notre vie est tendue vers la gloire, la manifestation de Dieu au Ciel et sur la terre, il faut accepter que notre vie soit jalonnée de croix. Bien sûr, nous ne les recherchons pas mais nous les vivons à travers toutes les difficultés, tous les renoncements qui jalonnent nos existences.
A gauche ou à droite ?
Bien sûr que Jésus ne s’occupe pas du plan de table lors du grand festin céleste auquel nous participerons. Jésus va déplacer leur question. Il va les faire passer du vouloir (Que voulez-vous que je passe pour vous ?) au pouvoir (Pouvez-vous boire à la coupe ?). Jacques et Jean répondent d’ailleurs à cette question avec générosité.
La coupe et le baptême
Ces deux notions ont comme point commun qu’ils sont liés au péché : C’est à cause du péché humain qu’on boit la coupe. Souvenons-nous de la parole de Jésus à Gethsémani : « Si tu pouvais éloigner de moi cette coupe ». De même si on est baptisé, c’est bien pour passer de la mort à la vie et donc se dégager de notre vie de péché. La coupe et le baptême manifestent donc la miséricorde de Dieu. En fait, parler de « son » baptême ou de « sa » coupe n’a pas de sens : Seule la mort de Jésus sauve. En réalité, il n’y a qu’une seule coupe à boire, un seul baptême à vivre. Jacques, Jean et nous avec eux sommes appelés à entrer dans l’acte sauveur du Christ. Il ne s’agit pas de faire quelque chose pour lui mais de collaborer au salut du monde avec Jésus.
Le groupe des disciples
Remarquons l’indignation des dix disciples à l’encontre de Jacques et Jean. Pourtant, nous avons vu que leur demande était cohérente. Pour autant, elle divise. Occasion pour chacun de nous, d’être vigilant vis à vis de toutes initiatives susceptibles de briser l’unité de nos familles, de nos communautés.
Le mot de la semaine : COUPE
Souvent, la coupe évoque l’idée d’un destin funeste, immérité ou mérité. Pour exprimer l’idée de châtiment, de jugement divin contre l’impie ou l’ennemi, la Bible recourt à l’expression « boire la coupe ». La coupe symbolise dans l’Evangile de ce jour le sort tragique de Jésus et des apôtres à sa suite (la croix), sans exclure le rétablissement qui s’en suivra par delà la mort (la gloire). Ce double symbolisme imprègne en profondeur le rite sacramentel de l’eucharistie : « boire la coupe du Seigneur » qui, une fois « bénie », contient « le sang de l’alliance », c’est communier mystérieusement, dès maintenant, à son destin de mort-résurrection.
Un récit de vocation
Au début de leur rencontre, Jésus pose son regard sur lui et il l’aime. Cet homme a croisé le regard de Dieu, un regard à la fois plein de prévenance, d’amour mais aussi engageant.
Par ce regard et son appel à le suivre, Jésus le choisit comme disciple comme il l’avait fait avec Pierre, André, Jacques et Jean au début de l’évangile. Et encore aujourd’hui, Jésus nous sollicite personnellement et nous appelle à sortir de notre routine pour l’aventure du don total.
Saut décisif
Malheureusement, cela semble trop dur pour lui.
Il renonce à cet appel. Il s’en va tout triste. Cet homme pourtant généreux et vraiment pieux ne parviendra pas à faire le saut décisif qui consiste à tout quitter pour suivre Jésus. Pourquoi donc ?
Qu’est ce qui a donc coincé ?
Renoncement et bénédiction
Dans la mentalité de l’époque, bénédiction rime avec richesse. Être béni, c’est vivre bien. Être béni, c’est concret. Cette demande de Jésus le déroute et nous avec lui.
Comment accepter de tout quitter alors que tout ce qu’il possède est justement le signe de son lien privilégié avec Dieu ? Il y a certainement aussi des raisons bien humaines qui ont conduit à son refus. Difficile de lâcher ce qui nous appartient, de ne plus profiter de son confort.
Détachement et relation à Dieu
Et pourtant… Les disciples dont nous sommes, sont appelés à la pauvreté, au détachement le plus radical pour être le signe de cet absolu du Royaume. C’était un chamboulement dans la manière de concevoir la relation entre le croyant et Dieu. Cette demande surprenante de Jésus met en lumière les ambiguïtés de cet homme qui sont aussi les nôtres :
Au fond, ce riche, qui aime-t-il ? Pourquoi pratique-t-il les commandements ? Pour se forger un être idéal devant Dieu ou pour répondre humblement à la fidélité de Dieu.
Allége-toi !
Si l’homme riche a renoncé semble-t-il à l’appel du Christ, d’autres y répondent avec joie aujourd’hui et depuis le début de l’Eglise.
Ce sont les religieuses, les religieux, plus largement tous les consacrés. Les messieurs de l’œuvre sont de ceux-là. Le témoignage de ces vies données doivent nous stimuler à vivre autrement le quotidien :
Tu veux suivre Jésus, allège-toi de tes richesses, de ton attachement excessif aux choses matérielles, à tes certitudes aussi… Qui que tu sois, où que tu en sois, le Christ t’appelle, et te dit : Viens et suis-moi !
Le mot du jour
La suivance ou la disciplitude
Bien sûr, ces deux mots n’existent pas et pourtant ce qu’ils suggèrent est une notion si essentielle…
Suivre le Christ consiste à choisir de suivre la voie qu’il a tracée et qu’il nous propose à travers l’Evangile.
Suivre le Christ, c’est tout d’abord renoncer à ce qui nous détourne de lui. C’est accepter de bon cœur de vivre au quotidien ce paradoxe évangélique : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.
C’est par conséquent faire en sorte avec sa grâce d’être à ses côtés par la prière et le soin porté aux autres.