Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple :
« Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit :
‘Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.’
Celui-ci répondit : ‘Je ne veux pas.’ Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.
Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière.
Celui-ci répondit : ‘Oui, Seigneur !’ et il n’y alla pas.
Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier. »
Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent
dans le royaume de Dieu.
Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ;
mais les publicains et les prostituées y ont cru.
Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. »
Le contexte
Nous sommes au chapitre 21 de l’évangile selon St Matthieu. Cette parabole suit l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. L’épisode que nous lisons le jour des Rameaux se déroule à la fin de sa vie publique.
Deux catégories de personnes sont alors présentées, les soupçonneux qui récriminent contre les paroles,
les gestes de Jésus et les aveugles, les boiteux, le petit peuple d’Israël qui s’émerveille.
Une question rhétorique
Jésus pose à ses interlocuteurs une question évidente non pas pour les piéger mais pour leur permettre d’entrer pleinement dans la logique de la parabole. Au fond, Jésus veut leur signifier que cette histoire fictive s’accomplit dans leur vie et qu’ils auraient grand intérêt à le comprendre.
Deux fils…
Ils représentent d’un côté les chefs des prêtres et les anciens, et de l’autre les publicains et les prostituées.
On comprend que le premier fils n’ait pas envie de changer et d’accueillir du nouveau.
Il fait partie du paysage religieux de son temps. Pourtant, Jésus a annoncé sans cesse, la nécessité de se convertir, de changer de regard, de se déplacer intérieurement. Lui comme nous sommes en route vers un ailleurs et un autrement. La vie n’est pas derrière soi mais devant.
Bien sûr, le deuxième fils qui représente ceux qui sont en état de manque et insatisfaits d’eux-mêmes sont mieux placés pour le comprendre, même s’ils sont visités par la tentation de se justifier et de s’absoudre pour se rassurer.
Se déplacer…
Allons-nous sortir de nos routines et nous mettre en route vers ce qui vient nous déranger, nous déplacer ? Jean le Baptiste est toujours là, figure d’une justice que nous n’avions pas soupçonnée.
Tout entier tourné vers le Christ qui n’en finit pas de venir à nous,
l nous ouvre à cette humanité nouvelle qui ne cesse de nous surprendre.
Nous croyons connaître le Christ ? Il ne se dévoile à nous que dans la mesure où nous assumons le vide qui,
s’il n’est pas là, nous habite. Toujours nouveau, sans cesse il nous déplace, nous renouvelle.
Se mettre en route…
Tel est le chemin du Royaume. Les publicains et les prostituées y entrent en priorité non en raison de ce qu’ils font mais parce qu’ils se mettent en route, sortant d’eux-mêmes, en croyant à cette parole qui leur vient d’ailleurs. Les derniers deviennent les premiers. Notons qu’il n’est pas dit que les chefs des prêtres et les anciens n’entreront pas dans le Royaume, mais ils prennent du retard. Pourquoi ?
Tout d’abord parce qu’ils ne croient pas à la parole de Jean, s’estimant déjà impeccables (étymologiquement sans péché).
Ensuite parce qu’ils ne se sont pas mobilisés en constatant la foi des collecteurs d’impôts et des prostituées.
Par contre, voyant la justice de Jean et entendant ses paroles, les publicains et les prostituées ont bougé mais les chefs des prêtres et les anciens, pourtant professionnels de l’accueil de la Parole, ne sont pas allés « travailler à la vigne ». Ainsi, ne nous installons pas dans le déjà-là, mais soyons prêts à partir pour cet ailleurs que figurait déjà la terre promise et que nous appelons le « Royaume », toujours à venir.
Pour actualiser…
La plupart du temps nous vivons enfermés dans nos routines comme dans nos emplois du temps, nos certitudes ou plus généralement nos servitudes. Sans condamner toutes les habitudes que nous avons prises qui pour la plupart sont bonnes et nous permettent d’être « à la hauteur », efforçons-nous de nous mettre à la bonne hauteur, celle de Jésus et des « petits » de l’Évangile. Sans cesse Dieu vient nous visiter, et toutes ces rencontres nous invitent à bouger, à aller au-delà, ailleurs, autrement.
À notre tour, acceptons d’entendre le « lève-toi et marche » qui nous est adressé par le Christ. Il ne s’agit pas d’une mobilisation pour un travail pénible mais plutôt d’une libération. Alors, on y va ?
Ecrit à partir d’un article de « Croire aujourd’hui » du Père Michel SOUCHON en septembre-octobre 2008.