Jeudi Saint

Evangile de Jésus-Christ selon Saint Jean

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui  de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.

Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin.
Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.
Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit :
« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. »
Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit :
« Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »
Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! »
Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. »
Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. »
Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis.
Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

 

 

Homélie prononcée par Mgr ELLUL le 17 Avril 2025
La nuit vient de tomber sur Jérusalem. Nous sommes le jeudi 13 Nisan, premier mois de l’année où l’on célébrait au crépuscule la solennité de Pessah, la Pâques du Seigneur, en souvenir de la libération
du peuple hébreu et de sa captivité en Egypte. Jésus sait que sa mort est imminente et il anticipe le repas traditionnel. Dans la nuit de la pleine lune, l’agneau pascal, après avoir été
égorgé par un prêtre dans le périmètre du Temple, était rôti et
consommé en famille avec des herbes amères. Le lendemain commençait
la fête des pains sans levain.
Dès demain soir nos amis juifs célèbreront le « chabbat » du vendredi 14 nisan 5785, suivant le calendrier ancien.
Je vous invite à monter rapidement depuis la vieille ville de Jérusalem sur le Mont Sion et à pousser la porte de la chambre haute, la porte du Cénacle. Les disciples ont suivi l’homme, sans doute un esclave,
qui porte une cruche sur la tête, signe de reconnaissance, car on est dans la peur d’une arrestation imminente de Jésus ; ils prennent possession de la grande pièce à l’étage et y font les préparatifs. La pièce est somptueuse,
faisant partie de la propriété d’un riche dignitaire de l’aristocratie juive.
Parmi les convives, l’ambiance est sereine et fraternelle car c’est la Pâques du Seigneur, le rappel de tant de souffrances mais aussi de la libération du peuple de Dieu. Marie, la Mère de Jésus est là, elle semble triste ; elle présent que son Fils sera bientôt arrêté et jugé, mais, comme toute mère, elle espère qu’ils ne porteront pas la main sur lui. Lui, le Seigneur, le Fils bien-aimé, préside le repas ; ses disciples sont intrigués, car il vient de se lever pour déposer son manteau, reste avec cette belle tunique tissée pour lui, de haut en bas, qui sera recouverte du sang de sa passion, il met un linge à la ceinture. Etonnement des convives car il se met à leur laver les pieds,
comme le font les serviteurs lorsqu’un invité de marque arrive. Il sait, lui, qu’il ne les verra plus, et même que la plupart le laisseront seul ou le trahiront.
Mais il faut que les Ecritures s’accomplissent. Et, en cette nuit du rappel, en ce soir du mémorial, il va nous
donner le sacrement ultime de son amour, sacrement qui va nous
permettre, jusqu’à son retour dans la gloire, de pouvoir nous approcher de son Corps et de son Sang, Saint-Sacrement, signe sublime, que les prêtres accompagnés des diacres, accomplissent pour que le Peuple de

Dieu, son Eglise Sainte puisse se nourrir spirituellement, afin de continuer son chemin qui le mène vers le Royaume.
Merci Seigneur de nous avoir donné, le testament de ton amour avant ton sacrifice suprême sur la croix, ces gestes que nous refaisons et qui te rendent présent en chaque Eucharistie, car le prêtre, « In personna
Christi » devient comme toi, en chaque célébration, prononce sur le pain et le vin, tes paroles de Vie éternelle et l’Esprit qui est là présent, « transsubstantifie », ces saintes espèces en parcelles d’éternité, en ton
Corps en ton Sang, pour que nous ayons la vie éternelle.
Aussi, comment rendrais-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut en invoquant le nom du Seigneur, souligne le psaume 115.
Fidélité, tradition et modernité… ont été les balises de ma vie sacerdotale durant les 56 ans qui ont suivi mon ordination, en 1969. Le père Didier Rocca et Gilles notre diacre, son épouse et sa famille,
doivent se remémorer les gestes importants de leurs ordinations et ce soir, nous nous confions au Seigneur et à Marie, ainsi qu’à votre prière, Frères et Sœurs, pour que nous continuions de répandre autour de nous la miséricorde et la paix du Christ à ce monde qui en a tant besoin. 
Désormais, Jésus, ce soir est arrivé au moment du sacrifice suprême. Il le sait, il le perçoit et le dit à ses disciples ; il sait qui va le trahir. Judas sort et il fait nuit. Que se passe-t-il dans la conscience de cet homme ?
Est-ce simplement pour 30 pièces d’argent ? … où le motif est-il plus subtil ?
Veut-il que Jésus puisse délivrer son message d’amour aux autorités religieuses de son temps, seuls à seuls ? Comment savoir ? Il s’en va pour achever sa trahison.
Dans le Cénacle le repas pascal se déroule presque comme à l’ordinaire, sinon que les paroles de Jésus sur le pain et sur la coupe de bénédiction prennent un autre sens. Ce n’est plus la bénédiction ordinaire, mais les paroles qu’il prononce resteront le testament de la foi. Rien de manque : la sauce rouge, rappel du sang sur les linteaux, les
herbes amères des 40 ans de marche dans le désert, la lumière qui éclaire la nuit où l’on a mangé rapidement, la ceinture aux reins et le bâton à la main, même le plus jeune, Jean est là presque sur la poitrine de Jésus,
posant les questions rituelles…

Je voudrais citer Thomas Merton, Frère Louis (1915-1968), qui fut, entre-autre mon accompagnateur spirituel, si je puis dire, malgré la distance qui nous séparait, car il vivait dans le Kentucky à l’abbaye de Gethsémani aux Etats-Unis. Il fut à l’origine de ma conversion, car lorsque je lus et découvris « La Nuit privée d’Etoiles », (Seven Storey
Mountain), le Seigneur qui se révélait à moi me disait : « Suis-moi ! » et c’est ce que je fis…
Contemplation, silence, grand désir de voir Dieu, l’éveil du moi intérieur, après tant de souffrances durant la Guerre d’Algérie, méditation et paix, voilà ce que je retirais des lectures de ce moine trappiste avec lequel je correspondais.
Je fais miennes ses propres paroles alors qu’il vient de recevoir le sacerdoce et je les propose à votre méditation :
« La messe est la chose la plus merveilleuse qui soit jamais entrée dans ma vie. A l’autel je me sens vraiment celui que Dieu veut que je sois… Je n’ai rien de cohérent à dire sur la lucidité et la paix de ce parfait sacrifice. Mais je reconnais parfaitement l’atmosphère de grâces très spéciales, dans laquelle se meut et respire le prêtre pendant le sacrifice et toute la journée qui suit… Le plus grand don que peut recevoir un être est de participer à l’acte infini par lequel Dieu se déverse sur les hommes, c’est ce qui arrive au prêtre à la messe, comme dans l’âme du Christ et
dans le cœur de Marie. ». Il n’y avait pas encore de diacres permanents, mais le cardinal Aveline rappelait, lundi lors de la messe Chrismale, qu’ils étaient là à l’eucharistie, « tout près du célébrant pour l’offrande du
sacrifice, vous rendant proche des plus éloignés et des plus fragiles… ».
La Cène du Christ à laquelle nous participons ce soir, rejoint cette attitude, toute donnée au Seigneur et pour les autres. Le prêtre « Un autre Christ » disions-nous autrefois et encore de nos jours, ce Seigneur
que nous prions pour que des jeunes s’engagent, comme Mayeul, pour se préparer aux ministères. Oui, un autre Christ qui souffre avec les plus pauvres, qui reçoit tant de confidences et les porte dans son cœur, qui accompagne ceux que la désespérance ferme à la lumière, mais c’est aussi celui qui comprend, exhorte, regarde de l’intérieur et comme Jésus, dit une parole de miséricorde et de lumière, qui puisse accompagner sur la route de celui
ou de celle qui se relève, pardonné pour vivre une autre vie dans l’Esprit, délivré de ses péchés.

Et que dire de tant de mains tendues pour recevoir l’Eucharistie, burinées par la vie, ouvertes et quelques fois presque encore fermées et toutes ces communions et ces sacrements donnés…
Le prêtre et le diacre sont là, avec ceux qui les accompagnent pour dispenser le Corps du Christ, ministère important pour accompagner le don de son Corps et de son Sang, pour que le monde ait la vie éternelle.
Le lavement des pieds auquel nous allons nous unir nous fait comprendre quel grand amour le Christ a pour nous. Nous devons nous laver les pieds les uns des autres pour avoir part à son royaume. Cela
veut dire pour nous : humilité, pardon des péchés, réconciliation si nous avons des torts à nous faire pardonner, mais aussi accepter le pardon de l’autre.
En ce soir, où il est livré à la main des pécheurs, Jésus nous redit de quel grand amour il nous a aimés. Prions les uns pour les autres, prions pour la paix et la concorde.
Dans le silence de la prière auprès du Christ au Reposoir, présentons-lui toutes les victimes du terrorisme et de la guerre, les malades, les mourants, mais également tous ceux qui actuellement découvrent le Christ Amour et miséricorde afin qu’ils trouvent sur leur chemin, des chrétiens qui les aident à progresser dans la foi. Sans oublier
les catéchumènes de notre diocèse et les milliers d’hommes et de femmes, qui en la France vont devenir des témoins authentiques du Christ par leurs baptêmes.
Bon triduum pascal ! Marie et les saintes femmes vont accompagner Jésus sur le Chemin de la Croix.
Suivons-les et demandons pardon pour nos péchés afin d’entrer rayonnant dans la joie du ressuscité. Amen.
Mgr Jean-Pierre Ellul.
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Ouvrages consultés :
Evangile de St Jean.
Jésus, Jean-Christian PETIFILS, Fayard 2011.
Thomas MERTON, La nuit privée d’étoiles, Livre de vie, 1975.